Suite de notre chronique du jeu Batman : Arkham Asylum
Le catalogue de l’Homme moderne
Mais pourquoi des studios comme Capcom, Epic Games, Platinum Games ou Rocksteady reprennent un stéréotype de héros apparemment jugé démodé par l’industrie du cinéma ?
Principalement parce que c’est un modèle simple, maitrisé, encore efficace pour tout ce qui est beat-them-all et jeux de tir.
C’est toujours jubilatoire pour les gamers malingres ou bedonnants que nous sommes (toi-même tu sais, pas la peine de se la raconter), d’incarner pendant quelques heures un personnage mega balèze qui s’exprime uniquement par sa puissance physique : « j’ai pris deux roquettes dans les côtes… pas grave… j’me cache derrière un mur, j’me mouche et je repars à la filoche ». On trouve dans ces jeux un refuge nous permettant d’assouvir nos instincts primaires de mâles dominants, bridés que nous sommes par ailleurs, nous pauvres hommes modernes, dans nos sociétés castratrices toujours plus incertaines dans la distinction des genres. En bref, de temps en temps ça fait du bien d’être un gros bourrin.
Mais bon… ça va cinq minutes. L’homme du XXIème siècle a évolué et ce genre de personnages hyper bodybuildés fait moins rêver qu’auparavant. Ce stéréotype suranné est trop éloigné de la réalité actuelle et ne prend pas suffisamment en compte la complexité des nouvelles composantes de l’identité masculine. Les hommes ne sont plus nécessairement des super héros. Ce sont désormais des êtres fragiles, qui cachent une fêlure secrète autour de laquelle ils se sont construits, et en plus ils font la vaisselle et passent l’aspiro… C’est pour ça que maintenant on dit qu’on va mourir quand on se coupe avec une enveloppe (en même temps ça fait supra mal !).
Les nouveaux héros de jeux vidéo se coupent rarement avec des enveloppes, certes, mais ils ont tous un petit truc qui les rapproche des gamers que nous sommes et facilite le processus d’identification.
Exemple n°1 : Metal Gear Solid 4. Snake est le soldat ultime, super-entrainé… mais il souffre d’une étrange maladie qui le fait vieillir prématurément. Toutes les cinq minutes, il se touche le bas du dos en maugréant. Un peu comme tous les joueurs restés assis plusieurs heures devant leur télé.
Exemple n°2 : Uncharted. Nathan Drake est un aventurier complet qui manie la kalach’ comme un as et escalade les façades comme Spiderman. Ok… Mais l’animation globale du personnage se veut extrêmement réaliste : Nathan ne peut pas courir pendant des heures comme un marathonien, il lui faut plusieurs minutes pour récupérer d’une blessure sérieuse et il lui arrive même de trébucher…
Exemple n°3 et 4 : Halo Reach et Bioshock. Dans les deux cas, les héros ne sont pas des professionnels de l’héroïsme. Dans Halo Reach, vous incarnez un ingénieur venu réparer une station spatiale ; dans Bioshock vous êtes le rescapé d’un crash aérien en pleine mer. Dans ces deux exemples, c’est l’aventure qui s’impose au personnage et lui confère a posteriori son statut de héros.
Y’a pas photo ! Ces héros-là sont quand même beaucoup plus attachants.
C’est pour ça que je demande solennellement un add-on téléchargeable pour Batman : Arkham Asylum, pour pouvoir dégonfler mon petit Bruce Wayne et retrouver mon super-héros préféré.